12 décembre 2008

Mais qui va garder les enfants ?

J’animais il y a quelques jours une table ronde intitulée «La mixité en entreprise, levier de performance». Bien que convaincu que la parité en entreprise soit l’un des nombreux enjeux du pilier social de l’équilibre vertueux du Développement Durable, j’ai découvert, en préparant mon intervention, une puissance insoupçonnée dans ce questionnement.

J’ai nourri ma réflexion en lisant notamment les études Women Matter 1 et 2 de McKinsey mais surtout en dévorant avec gourmandise le livre de la sociologue Dominique Méda «Le temps des femmes - pour un nouveau partage des rôles». Puissent toutes les Mères Noël mettre prochainement cette petite douceur explosive dans les souliers des pater familias scotchés aux pratiques rétrogrades du 19ème siècle.

Même si les femmes européennes travaillent de plus en plus, l’employabilité des femmes est plus faible de 21 % que celle des hommes, l'écart des salaires reste pathétiquement significatif (près de 15 % de moins) et les femmes ne représentent que 11 % des cadres de direction alors qu’elles représentent 55% des diplômées. Si la modernité d’une société se mesure à la place qu’elle fait à la femme dans le monde du travail nous sommes à l’âge des cavernes (au propre comme au figuré avec cet archétype de l’homme "chasseur" ).

Faisant fi du peu de considération qu’on lui prête pour mieux l’intégrer dans l’entreprise, la femme s’est néanmoins lentement adaptée au modèle et aux codes des hommes en supportant le "double fardeau" de sa double vie, de sa double semaine de travail. Et en en payant souvent aussi le prix quand elle a l’outrecuidance de vouloir "réussir" (54 % des femmes dirigeantes n’ont pas d’enfants vs 29 % hommes, 33 % sont célibataires vs 18 % hommes).

On découvre aujourd’hui que sa présence dans les instances de direction donnerait une plus value de performance à l’entreprise …. Serait-ce sa chance ? Ou son salut viendra-t-il de la pénurie de talents que le défi démographique nous promet ? … comme elles ont remplacé au pied levé les hommes partis au front en leur temps. Non, la femme ne doit pas être une variable d’ajustement.

Plutôt que de trouver à nouveau des stratagèmes pour qu’elle progresse encore dans son adaptabilité au modèle actuel de l’entreprise (on va jusqu’à leur proposer aujourd’hui des programmes de "coaching" pour "cultiver l’ambition" !!), j’ai la conviction que c’est le modèle qu’il faut changer.

Adapter la Société (avec un grand S) et les sociétés (les entreprises) non pas spécifiquement à la femme, mais plus globalement au genre humain, qu’il soit masculin ou féminin. Une adaptation à son rythme, à ses aspirations, à sa nature... J’ai ainsi fait miennes certaines des pistes explorées par Dominique Méda.

L’adaptation majeure passe par une nouvelle répartition des tâches (principalement au sein du couple) et par une nouvelle gestion du temps de l’entreprise.

Dans la juste répartition des tâches, les hommes vont devoir porter une part du fardeau qui pesait souvent exclusivement sur les épaules de leur moitié (des tâches domestiques aux soins et à l’éducation des enfants). Il suffit d’observer les pratiques des jeunes générations pour comprendre que ce tsunami des consciences est en marche.

Mais ceci ne sera possible que si dans le même temps l’entreprise revoit sa notion du temps. En allégeant la « norme de travail » de tous (d’aucuns parlent de 32h ...), en s’adaptant au rythme de ses employés qui ont par ailleurs une vie sociale et parentale - gage de leur équilibre, en favorisant flexibilité et modulation. Terminé le culte de la présence et des réunions nocturnes ! On peut faire confiance à la pression réputationnelle ou à la notation sociétale pour favoriser cette réforme.

Enfin cette mutation doit aussi être accompagnée et facilitée par les pouvoirs publics. En réformant l’éducation qui formate les représentations sociales (de "l’heure des mamans"à l’école primaire au cloisonnement des filières scientifiques), en accélérant la mise en place d’infrastructures de garde à la mesure des énormes besoins (les entreprises peuvent aussi y contribuer), en adaptant la fiscalité ou encore en légiférant plus avant pour la parité car on a vu que la bonne volonté avait ses limites.

Petit message du MNH (Mouvement des Nouveaux Hommes) : Mesdames, aidez-nous dans cette "révolution" en nous laissant une certaine "latitude" dans la façon de réaliser notre part de tâches … et soyez indulgentes, nous savons que nous n’atteindrons jamais votre niveau de perfection ;-)